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LA VITALITÉ DU RÉGIME

une préoccupation analogue se fait jour ; une classification du même ordre est en train de se reconstituer. Tant il est vrai que les populations de l’Inde restent attachées de nos jours encore, comme aux prohibitions qui séparent leurs éléments, à la hiérarchie qui les étage.

Et, à vrai dire, on se trouve ici en présence de deux forces, capables de tirer les âmes en des sens différents. Si les groupes constitutifs, chacun s’isolant dans son orgueil, tendent toujours à se repousser les uns les autres, ils n’en sont pas moins comme attirés, les uns et les autres, vers un même sommet. Cette attraction peut se composer avec cette répulsion pour produire des phénomènes complexes. Le sentiment qu’il y a des supérieurs et des inférieurs réagira jusque sur le protectionnisme matrimonial qui est la règle des moindres castes ; et au lieu de l’endogamie pure et simple, c’est « l’hypergamie » qui se développera.

Un groupe obéit à la loi d’endogamie, disions-nous, lorsque ses fils s’interdisent de prendre femme à l’extérieur de ce groupe. Il y a non plus endogamie proprement dite, mais hypergamie lorsque deux groupes étant donnés, l’un supérieur, l’autre inférieur, le supérieur consent à épouser les filles de l’inférieur, non à lui donner ses propres filles en mariage. C’est sur la fréquence de ce phénomène et sur ses conséquences sociales que les nouvelles recherches ont attiré l’attention.

Il ne s’agit plus seulement, en effet, de ces épouseurs professionnels qu’on rencontre dans toute l’Inde, Brahmanes cyniques qui exploitent le prestige de leur sang en accordant leur main, successivement, à toutes les filles de caste inférieure qui désirent s’anoblir. Mais rien n’est moins rare, entre les sous-castes dont nous parlions, que l’établissement d’une hypergamie régulière. C’est ainsi