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LES RACES

Mais peut-être, précisément, les champs d’expériences que nos sociétés refusent à l’anthroposociologie, la société hindoue les lui réserve-t-elle ? L’égalitarisme ici n’a pas intoxiqué la civilisation. Elle se nourrit au contraire d’idées antiégalitaires. Parce que l’Inde est la patrie des castes, elle sera sans doute le paradis des anthroposociologues.

En fait, ils ont souvent loué, comme dociles aux saines exigences de la « culture des races », les prescriptions de la sagesse brahmanique.

En matière d’alimentation, les habitudes quasi végétariennes qu’elle impose prouvent qu’elle avait conscience des conséquences physiologiques du climat, qui ne permet pas en effet une nourriture trop forte. Ses prohibitions en matière de mariage sont encore plus avisées. Elle prend la précaution d’éliminer les infirmes de leur caste, de peur que les dégénérescences individuelles ne se propagent et n’altèrent la pureté des types. Bien plus, elle avait compris sans doute que si, pour maintenir les types purs, il ne faut tolérer d’union qu’entre gens du même sang, cependant les unions de parents trop proches risquent aussi de faire dégénérer la race. C’est pourquoi des règles exogamiques vinrent sagement compléter et corriger les règles endogamiques. Deux cercles limitent le choix de l’individu : il ne peut prendre femme en dehors du plus large, mais non plus à l’intérieur du plus étroit ; il doit se marier dans sa caste, mais non dans sa famille. Ainsi sont conservés les avantages des mariages consanguins, et leurs inconvénients évités. En vérité, tout le système n’est-il pas combiné admirablement ? Et ne dirait-on pas que Manou avait pressenti Darwin ? L’anthropologie peut proclamer que les Hindous sont « le peuple modèle » 298. En bons sélectionnistes, ils se sont gardés de mêler leurs races.

1. V. Reibmayr. Inzucht and Vermischung beim Menschen, Leipzig, Deulicke, 1897, p. 94 sqq.