Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/217

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en cette matière, c'est une appréciation toute pessimiste. La vie économique des Hindous ? Elle a été réduite, semble-t-on dire, à la portion congrue, toujours opprimée et comme refoulée qu'elle fut par l'exubérance de la vie religieuse, dont le régime des castes n'est lui-même qu'un rejeton. L'antithèse est classique. Depuis Max Müller 408, on a maintes fois opposé, à l'activité des Aryens de l'Occident, l'apathie de leurs frères hindous. C'est que, répète-t-on, tandis que pour le Grec, par exemple, l'existence est pleine de réalité, elle n'est pour l'Hindou qu'illusion décevante.

Isolé qu'il reste dans sa grande péninsule, amolli et énervé par un climat trop chaud pour sa race, le souci de l'action positive ne vient pas contreba­lancer chez lui l'élan aventureux de l'imagination. Victime des fantômes qu'il crée, il se détourne de la terre. Il laisse couler les jours dans une espèce de passivité léthargique, privé de ce sens du réel qui fait les races fortes, incapa­ble de penser par lui-même et d'agir virilement 409. S'il ne l'a pas créée, le brahmanisme devait entretenir en l'exploitant cette incapacité 410. L'espèce d'hypnose religieuse où vit l'Hindou est la plus sûre gardienne de cet édifice des castes dont le Brahmane est le maître-né. Dans l'ordre de l'action écono­mique aussi bien que politique, ces mêmes obsessions ne peuvent manquer de retarder le progrès de la civilisation hindoue.

Toutefois la condamnation est-elle sans appel ? De divers côtés, il semble qu'on soit décidément revenu de ce pessimisme simplificateur. On a tort sans doute – M. Sylvain Lévi en fait la remarque – de se représenter la société hindoue comme une nation de métaphysiciens. On est peut-être dupe, sur ce point encore, de l'impression