Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/241

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Les hymnes védiques retentissent d'injures lancées contre les Dasyus, noirs, au nez épaté, qui mangent n'importe quoi et n'offrent pas de lait aux dieux 452. Aux yeux de ces Aryens si fiers de leur civilisation, comment les barbares n'auraient-ils pas contaminé, en même temps que les objets qu'ils touchent, les professions qu'ils exercent 453 ? C'est sans doute une des raisons pour lesquelles certains métiers primitifs, et tels que les tribus aborigènes les devaient exercer avant l'arrivée des Aryens – non seulement ceux de chasseur et de pêcheur, mais ceux de vannier ou même de charron – devaient rester spécialement dédaignés : métiers de vaincus, et métiers de sauvages. Mais il importe d'ajouter que les croyances religieuses ici encore ne cessent de mêler leur pression à la poussée de ces instincts ethniques. Si les chasseurs sont tenus en basse estime, ce n'est pas seulement que leur métier soit primitif, c'est qu'il les oblige au péché quotidien de tuer des animaux 454. Des scrupules analogues justifient la dégradation des corroyeurs et des tanneurs. Il en est de même pour celle des napits ou barbiers, et pour celle des blanchisseurs, méprisés, quelle que soit leur race, à cause des contacts impurs que leur genre de travail leur impose 455.

C'est ce qui explique qu'il soit si difficile de déduire la hiérarchie hindoue, comme a voulu le faire M. Nesfield, d'une sorte de philosophie de l'histoire « matérialiste ». Les métiers s'étageraient plus ou moins haut dans l'estime publique, nous disait-on, selon qu'ils se seraient constitués après des inven­tions plus ou moins complexes, à un stade plus ou moins avancé du progrès industriel. Nous avons constaté que si l'on veut expliquer les rangs