Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/248

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fonction du père. Le plus sûr moyen d'installer the right man in the right place n'eût-il pas été en effet de permettre aux membres de toutes les castes de chercher leur voie et de donner leur mesure ? C'est précisément à quoi le régime s'oppose de tout son poids. Par où il risque de priver la civilisation des ressources réservées par l'infinie diversité des dons individuels. Il la prive en tout cas de tout ce que les individus tirent d'eux-mêmes par leur effort pour s'élever dans l'échelle sociale.

On a vanté parfois la tranquillité de vie dont peut jouir l'artisan du village hindou, à l'abri des tourments de la concurrence : conditions éminemment favorables, disait-on, au culte pieux des traditions techniques et à l'amoureuse élaboration des humbles chefs-d'œuvre 468. Mais aussi rien qui incite l'homme à s'ingénier, à trouver du nouveau et, si ses facultés propres le lui permettent, à dresser la tête hors de son cercle. « Chacun ([ici]), dit Bernier 469, coule sa vie doucement sans aspirer plus haut que sa condition : car le brodeur fait son fils brodeur, l'orfèvre le fait orfèvre, le médecin en ville le fait médecin, et per­sonne ne s'allie qu'avec les gens de son métier. » Comment donc les Hindous seraient-ils excités à mener cette vie d'incessant effort qu'un Hésiode, par exemple, décrit avec tant de sympathie ? Ne semble-t-il pas qu'une civilisation qui décourage d'avance toute espèce d'ambition personnelle s'enlève à elle-même le nerf du progrès économique ?


Au surplus, ce n'est pas seulement par une action directe – par les encom­brements favorisés ou les innovations gênées – que le système des castes entrave la production ;