Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/259

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marchands, espèces de chambres de commerce avec lesquelles le prince était obligé de compter, et dont le chef était parfois un très grand personnage, qu'il importait de consulter, dit-on, avant de fixer le taux de l'impôt. Là devait être déployée l'activité admirée par l'Épopée, là devaient être appliquées les règles consacrées par les Codes 489.

Ces foyers brillants n'avaient que deux défauts. Non seulement ils étaient relativement rares, mais ils étaient ordinairement éphémères. Le pouvoir despotique qui les allumait manquait lui-même de stabilité. « Les capitales surgissent, resplendissent, s'éteignent : les marchés, les entrepôts, les ports de la ville sont déserts le lendemain, vides, oubliés » 490.

Les conditions continuaient donc de manquer pour la constitution de ce réseau urbain dont parle Ratzel, à la fois persistant et étendu, dont les voies de communication sont les fils, dont les villes marquent les nœuds, et qui est nécessaire pour l'organisation d'un commerce intérieur intense. Au vrai, demande M. Hunter, jusqu'à l'avènement de la civilisation anglaise, les Hindous ont-ils connu les villes véritables ? Les Hindous pour leur part n'ont été que des constructeurs de temples ; les Musulmans, de palais et de tom­beaux ; les Mahrattes, de ports ; les Portugais, d'églises. Mais les grands emporia n'avaient pas été construits, qui sont indispensables à l'activité des échanges 491.

Il est remarquable en effet, à ce propos, que le droit commercial en Inde, quelque terrain qu'il ait reconquis sur le droit religieux, n'a jamais gagné l'indépendance, et a fortiori la prépondérance dont il jouit dans nos civilisa­tions. On sait ce que celles-ci doivent, en particulier, au droit du marché. Au fur et à mesure que les habitudes