Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/266

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et de morbide prend le dessus dans la littérature : c'est le tempérament indigène qui l'emporte.

Il est possible que cette chimie des principes ethniques ne soit pas restée sans influence. Mais qui ne voit, en tout cas, combien son opération reste obscure ? D'une manière plus générale, suspendre les produits d'une civilisa­tion aux tendances natives d'une ou de plusieurs races, n'est-ce pas faire œuvre de classification bien plutôt que d'explication ? Avec les traits communs aux chefs-d'œuvre qu'un peuple admire on compose la physionomie de son « génie ». Mais pourquoi et comment la littérature de ce peuple a pris tel tour, c'est ce qui demeure, après, aussi mystérieux qu'avant 500.

On fournit sans doute un aliment plus substantiel à la curiosité si, au lieu de se contenter d'invoquer la race, on évoque le milieu. Ce n'est pas vainement qu'on rappelle, au début des histoires de la littérature hindoue, les aspects particuliers que revêtent en Inde le sol et le ciel, la flore et la faune. Dans cet immense triangle, des montagnes plus hautes et des fleuves plus larges qu'ailleurs ; une jungle exubérante où les serpents pullulent ; après des inon­dations qui emportent tout, des sécheresses plus terribles encore, une pareille nature ne doit-elle pas agir profondément sur la sensibilité de l'homme ? Elle l'obsédera par ses formes comme elle l'accablera par sa force. On se souvient de l'antithèse de Buckle : « En Occident l'homme domine la nature. En Orient il est écrasé par elle. » Nulle part plus qu'en Inde le spectacle des choses ne devait suggérer aux esprits, avec le sentiment de la puissance de la vie, le sentiment de l'impuissance de l'homme. Et c'est pourquoi toute la littérature hindoue devait traduire, en même temps que la dépression des volontés découragé