Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/281

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ont peut-être suggéré à l'esprit hindou l'idée des transmigrations, semblables aux renaissances du feu sacré 529, l'inclinent à reconnaître comme un dogme fondamental l'existence d'un être unique.

Notons au surplus que dès les Védas, la même pente se révèle. Les tendances qui prennent corps dans les Upanishads s'y montrent déjà : tendance critique en même temps que tendance moniste. On en a souvent fait la remarque 530 : dans ces hymnes soi-disant spontanés, des réflexions quasi sceptiques se mêlent plus d'une fois à l'invocation poétique. Les fameuses stances sur la genèse de l'Être se terminent ainsi : « D'où cette création est venue ‑ si elle est créée ou non créée ‑ celui dont l'œil veille sur elle du plus haut du ciel ‑ celui-là seul le sait, et encore le sait-il ? » Dans un autre hymne, cette question revient après chaque strophe : « Qui est ce dieu, que nous l'honorions avec des sacrifices ? » Le chantre, ici, est déjà un philosophe. D'ailleurs, alors même que leur existence n'est pas mise en doute, jamais les dieux védiques ne revêtent, dans les hymnes, ces formes précises et rigides qui s'opposent à la dissolution panthéiste. Leurs traits restent estompés, comme leurs attributs sont mal différenciés. Le polythéisme védique ne connaît pas les divisions « départementales » des polythéismes classiques, où chaque force naturelle est du ressort d'un dieu. Peut-être cette organisation du monde idéal suppose-t-elle, dans la réalité, un degré d'organisation sociale auquel l'Inde ne devait pas s'élever. Toujours est-il que son ciel n'a rien d'une cité 531. L'ordre lui manque. On ne peut même pas dire qu'aucun dieu soit souverain. Tous les dieux deviennent souverains à leur tour 532. Au vrai, honorés par les