Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/284

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naturels, mais la rigidité de l'organisation sociale ? Ce n'est pas invraisemblable. Mais par un autre encore de ses caractères l'organisation sociale est sans doute responsable de cette tendance. La soif de l'unité immobile et le dégoût des apparences éphémères ne devaient-ils pas naître, plus facilement qu'ailleurs, en des cercles d'hommes retirés en quelque sorte de la vie, supérieurs au mouvement du monde, et dont la méditation devait être le jeu en même temps que le métier ?

Si l'on veut mesurer ce qu'une pareille spécialisation de la vie intellectuelle a pu donner, et aussi ce qu'elle a pu enlever à la civilisation hindoue, il faut comparer l'Inde à la Grèce.

En Grèce aussi, sans doute, à l'origine de la pensée on retrouve des tradi­tions sacerdotales. Au berceau de quelle grande civilisation manquent-elles ? L'historien des Penseurs grecs en fait la remarque 538 : « Les premiers pas de la recherche scientifique, pour autant que nous permettent de l'affirmer nos connaissances historiques, ne se sont jamais faits que dans les pays où une classe organisée de prêtres ou de savants réunissait à d'indispensables loisirs la non moins indispensable stabilité de la tradition. Mais, ajoute-t-il, là même les premiers pas ont souvent été les derniers parce que les doctrines scientifiques ainsi acquises s'y sont trop souvent cristallisées en dogmes immuables, en s'amalgamant avec les croyances religieuses... La lisière devient une chaîne. »

C'est précisément sur ce point que la Grèce se trouve jouir d'une situation privilégiée. C'est des Égyptiens ou des Babyloniens qu'elle reçoit ses premières leçons. Des collèges de prêtres étrangers lui fournissent son point de départ. Mais elle n'en trouve pas sur son propre sol pour lui fixer des points d'arrêt. Louis Ménard 539 a insisté sur cette