Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/287

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tait dépositaire de cette tradition était « passionnément préoccupée d'en assurer la perpétuité par un enseignement minutieux. Aussi haut que nous pouvons remonter, des écoles très actives s'appliquent à la transmission et à l'étude des textes sacrés. Le génie naturellement délié des Hindous s'y assouplit à l'observation méticuleuse, aux classifications métho­diques. En en prenant l'habitude, il prit le goût de légiférer. Dans les sujets religieux, enseignements et manuels empruntaient à leur matière même quelque chose de son autorité. Il prêta en tout genre à l'activité didactique un prix infini. Appliqué à la littérature profane, il y porta ses aptitudes contrac­tées dans le long commerce de la littérature sacrée » 545. C'est pourquoi sans doute on voit dans la littérature hindoue – chose rare – des traités techniques antérieurs aux oeuvres d'art, la théorie antérieure à la pratique. La tradition religieuse contribuait ainsi à faire du formalisme, dans tous les genres, une des habitudes intellectuelles de l'Inde.

Mais, cette même tradition aidant sans doute, le sens de la réalité manque à l'Inde, et avec le goût de l'action le souci de l'observation. Par là surtout s'explique la distance qui sépare, alors même qu'ils rencontrent des formules analogues, l'esprit hindou et l'esprit grec. Xénophane, qui tend lui aussi au panthéisme, tout poète qu'il reste, est un observateur. La soif de savoir le pousse de ville en ville. En même temps qu'il amasse des remarques sur les couches géologiques, il note les constitutions politiques. Dans le réquisitoire qu'il dresse contre l'anthropomorphisme et ses conséquences, il est permis de reconnaître l'accent d'un citoyen soucieux de l'avenir de sa patrie. La doctrine de Thalès reçoit peut-être quelque chose de la tradition religieuse, par l'inter­médiaire des poètes : ils disaient déjà à leur manière que l'eau est le principe de toutes