Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/289

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rendre la forme personnelle, les dieux qui, sous l'effort de la philosophie brahma­nique, s'évanouissaient en abstractions. D'autre part, elles ouvriront plus de crédit au sentiment, accessible à tous, qu'à la science, et à l'intuition qu'à la dialectique. Le jour où ces méthodes triomphent, c'est ce qu'on appelle l'hindouisme qui se substitue au brahmanisme 547.

Et, à vrai dire, ici comme presque partout en Inde, il est malaisé de trancher les périodes. Il importe toujours, quand il s'agit de la civilisation hindoue, de réserver la part du sous-jacent. Bien des forces n'émergent pas, qui pourtant supportent tout le reste. Aussi faudrait-il, la plupart du temps, parler de coexistence où l'on parle de succession 548. Il est vraisemblable que de tout temps il y a eu, à côté des écoles brahmaniques, des sectes indépendantes. Mais c'est à partir d'une certaine époque seulement que les monuments littéraires portent la trace manifeste de leur activité.

Il faut en dire autant des sentiments et des idées qui ne se rattachent pas à la vie religieuse. Nous avons vu que les Kshatriyas se plaisaient parfois à suivre le Brahmane sur son propre terrain, et à le battre avec ses propres armes. Mais il est vraisemblable que la majorité d'entre eux éprouvaient d'autres besoins et recherchaient d'autres plaisirs que ceux de la spéculation. Se reposant de la bataille par la chasse, et de la chasse par le tournoi, ils menaient la grande vie féodale qui convient à la noblesse guerrière. Un jour viendra où les sentiments que cette vie entretient et les représentations qu'elle suggère se tailleront leur place dans le monde de la littérature.

Ces sources extra-brahmaniques d'idées et d'émotions, nous les sentirons couler à travers l'épopée, mais nous y