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INTRODUCTION

Dans le groupe du vêtement, les ouvriers en turbans ne veulent avoir rien de commun avec les ouvriers en ceintures. Dans le groupe du cuir, il y a une caste pour fabriquer la chaussure, une autre pour la réparer, une autre pour façonner les outres[1]. On ne voit pas, nous dit-on, le même homme pousser la charrue et paître les bestiaux[2]. Parmi les clans Ghosis, il y en a qui gardent les vaches et ne vendent que du lait ; d’autres achètent le lait et vendent le beurre[3]. Les Kumhars d’Orissa sont divisés en Uria Kumhars, qui travaillent debout et font de grands vases, et Kattya Kumhars, qui tournent la roue assis et font de petits pots[4]. Le coolie qui porte un fardeau sur la tête refuserait de le charger sur ses épaules ; celui qui use de la perche n’use pas du havre-sac. Les différentes castes de domestiques ont chacune leur emploi propre ; et chacune refuserait énergiquement de s’acquitter de l’emploi des autres[5]. Du haut en bas de la société hindoue, le cumul des fonctions est interdit en principe.

Les changements de fonctions ne sont pas moins illicites. Les travaux sont divisés une fois pour toutes ; et chacun, par sa naissance, a sa tâche marquée. L’hérédité des professions est la règle, et l’a été dès la plus haute Antiquité. C’est ce trait qui frappe les voyageurs mahométans qui visitèrent l’Inde au IXe siècle[6]. « Dans tous ces royaumes… il y a des familles de gens de lettres, de mé-

    mit besonderer berücksichtigung der Kastenfrage. Kiel, Haeseler, 1897, p. 194.

  1. Sylvain Lévi, article Inde de la Grande Encyclopédie".
  2. Nesfield, Brief View of the Caste System of the N.-W. Provinces and Oudh. Allahabad, 1885, p. 19.
  3. Risley, op cit., II, p. 183.
  4. Ibid., I, p. xlvii. Cf. pour les Provinces Centrales le rapport de M. Russell (Census in India, 1901, vol. XIII p. 185.
  5. On trouverait de nombreux faits de ce genre dans les voyages de Jacquemont (Voyage dans l’Inde pendant les années 1828 à 1832, 6 vol. in-4o, Paris, Didot, 1835-1844).
  6. Ancienne relation des Indes et de la Chine. Éd. de 1728, p.40.