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L’OPPOSITION DES CASTES ET LA FAMILLE

terme de Vaiçya désigne l’ensemble des hommes libres, non un groupe assujetti à une profession déterminée. Le métier des armes ne semble pas être le monopole des Kshatriyas. Le terme de Brahmane enfin signifie d’abord sage, puis poète ; plus tard seulement il prend le sens de prêtre[1].

D’autres font remarquer, avec M. Ludwig, que les rites sont déjà assez compliqués pour réclamer la formation d’une classe sacerdotale spéciale, qui s’arroge bientôt le monopole du sacrifice ; à côté de cette classe sacerdotale une noblesse se constitue, qui ne se mêle pas à la masse du peuple et fixe ses privilèges par l’hérédité ; ainsi non seulement la race des Aryas conquérants s’oppose à la race des Dasyus, mais encore elle est déjà intérieurement sectionnée en trois groupes superposés[2].

Entre ces deux thèses, M. Senart prend une position nouvelle. Pour lui les faits invoqués par M. Ludwig, fussent-ils exacts, ne suffiraient pas à démontrer l’existence de castes proprement dites. Il admettra bien, contre M. Zimmer, que des classes devaient s’être formées dès les temps védiques[3] : mais les classes ne sont pas des castes. Il lui paraît vraisemblable que la population hindoue était dès lors divisée en groupes analogues, en effet, aux pishtras de l’Iran. Mais peut-on assimiler un « vague groupement » à une « caste véritable », nécessairement plus restreinte, adonnée à une profession définie, reliée par une commune descendance, enfermée dans des règles particulières, gouvernée par des coutumes propres, – organisme enfin de sa nature circonscrit, exclusif, séparatiste ? La division en classes est un phénomène commun ; la séparation en castes est un phénomène unique. Celle-là

  1. Zimmer, Altindisches Leben, p. 185-190.
  2. Senart, op. cit., p. 149,159. Cf. J.-A. Baines, On certain features of social differentiation in India (Extr. du Journal of the Royal Asiatic Society), p. 663.
  3. Ibid., p. 150.