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LES RACINES DU RÉGIME DES CASTES

classe est donc un des principes constitutifs de l’organisation sociale en Inde ; on a pu dire[1] que c’était la caractéristique la plus certaine de l’hindouisme.

Certes, la classe sacerdotale possède partout une situation privilégiée, et souvent elle garde le premier rang. Mais il est rare qu’elle règne sans conteste, et par ses seules forces. Le plus souvent, il lui faut compter avec un pouvoir séculier ; tantôt elle fait alliance avec lui ; tantôt elle lui livre combat ; mais il limite l’extension de ses prérogatives, et le plus souvent réduit graduellement son influence. Parmi les γένη qu’Hérodote distingue en Égypte, le corps des prêtres est nommé le premier : ses privilèges sont indiscutables, des terres lui sont réservées, les charges communes ne l’atteignent pas. Les corporations des temples forment une société religieuse juxtaposée plutôt que mêlée à la société civile. Mais le prince veille au gouvernement des temples, il place ses créatures à leur tête. Ces États dans l’État restent dominés par la souveraineté royale[2]. De même si puissant qu’il ait été au Moyen Âge, le pouvoir spirituel n’a pas réussi à se subordonner le pouvoir temporel ; tout compte fait, ce sont les rois qui ont le plus gagné au règne de la théocratie catholique.

Dans la théocratie brahmanique au contraire, les prêtres restent seuls au pinacle[3].

Non sans luttes, comme il est vraisemblable. La littérature sacerdotale a gardé le souvenir de la puissance des Kshatriyas, et des obstacles qu’ils opposèrent à la puissance des Brahmanes. La façon même dont la prééminence des Brahmanes est affirmée prouve qu’elle ne fut

  1. Ibbetson, cité par Senart, p. 101.
  2. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, I, p. 127, 304.
  3. C’est ce qui fait dire à Zimmer que les Brahmanes ont réalisé pleinement l’idéal poursuivi par l’Église pendant notre moyen-âge. Altindisches Leben, p. 189. Cf. Macdonell, A history of sanskrit literature, Londres, Heinemann, 1900, p. 159-160