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À HENRY JAMES


Permettez-moi, mon cher Henry James, de placer votre nom à la première page de ce livre, en souvenir du temps où je commençai à l’écrire, qui fut le temps aussi où nous nous sommes connus. Dans nos conversations de l’été dernier, en Angleterre, prolongées tantôt à une des tables de l’hospitalier Athenœum-club, tantôt sous les ombrages des arbres de quelque vaste parc, tantôt sur cette esplanade de Douvres, retentissante du fracas des lames, nous avons souvent discuté au sujet de cet art du roman, le plus moderne de tous, parce qu’il est le plus souple, le plus capable de s’accommoder aux nécessités variées de chaque nature humaine. Nous tombions d’accord que les lois imposées au romancier par les diverses esthétiques se ramènent en définitive à une seule : donner une impression personnelle de la Vie. Trouverez-vous cette impression-là dans Cruelle Énigme ? Je le souhaite, afin que cette œuvre soit vraiment digne de vous être offerte, à vous dont j’ai pu apprécier, comme lecteur, le rare et subtil talent ; comme confrère, la sympathie intelligente, et comme ami, le noble caractère.


P. B.


Paris, 9 février 1885.