Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/27

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Scilly avait eu sous ses ordres au service, le père Lecontre, venait trois fois par semaine. La mère n’osait pas dire que le seul bruit du battement des fleurets, en éveillant chez elle la crainte de quelque accident, lui causait une émotion presque insurmontable. Le général avait de même décidé Mme Liauran à lui confier son fils pour le conduire au manège ; mais c’avait été sous la condition qu’il ne le quitterait pas d’une minute, et chaque départ pour cette séance de cheval avait encore été une occasion de secrète agonie. Toutes ces nuances de sentiments, qui avaient fait de l’éducation du jeune homme un mystérieux poème de folles terreurs, de félicités douloureuses, de continuels frémissements, le comte Scilly les avait comprises, si étrangères qu’elles fussent à son caractère, grâce à l’intelligence de l’affection la plus dévouée, et il savait que Mme Castel, pour rester en apparence plus maîtresse d’elle-même que sa fille, n’était guère plus sage. Que de regards n’avait-il pas surpris de cette femme si pâle, enveloppant Marie-Alice Liauran et Hubert d’une trop ardente, d’une trop absolue idolâtrie !…

Les jours avaient passé ; leur enfant atteignait sa vingt-deuxième année, et les deux veuves continuaient à l’enlacer, à l’étreindre de ces mille prévenances par lesquelles, ou mères, ou épouses, ou