Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/34

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toutes les autres sous le terme de « gueuses ». Il lui arrivait de prononcer ce mot, quand son foie le faisait par trop souffrir, d’un ton qui laissait soupçonner dans son passé quelque déception amère. Mais qu’il eût été ou non trompé par une aventurière de garnison, qui songeait à s’en inquiéter parmi les rares personnes qu’il rencontrait chez « ses deux Saintes », ainsi qu’il appelait Mme Castel et sa fille ?

Toujours bercé par le roulement de sa voiture, le général continuait à s’abandonner à la crise de mémoire qu’il subissait depuis son départ de la rue Vaneau et qui venait de lui faire repasser en un quart d’heure l’existence entière de ses amies ; et voici qu’autour de ces deux figures d’autres visages s’évoquaient, ceux par exemple de la cousine germaine de Mme Castel, une Mme de Trans qui habitait la province une partie de l’année, et qui venait, avec ses trois filles : Yolande, Yseult et Ysabeau, passer l’hiver à Paris. Ces quatre dames s’installaient dans un appartement de la rue de Monsieur, et leur vie parisienne consistait à entendre, dès les sept heures du matin, une messe basse dans la chapelle privée d’un couvent situé rue de la Barouillère, à visiter d’autres couvents ou à travailler dans les ouvroirs durant l’après-midi. Elles se couchaient vers huit heures et demie, après avoir dîné à