Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/47

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ma mère, je ne peux pas la supporter physiquement. »

— « Et si je refuse ?… » interrogea Scilly.

— « Je m’adresserai ailleurs, » fit Hubert ; « cela me sera terriblement pénible, mais je le ferai. »

Il y eut un silence entre les deux hommes. Toute l’histoire s’obscurcissait encore au regard du général, comme la fumée qu’il envoyait de sa pipe par bouffées méthodiques. Mais ce qu’il voyait nettement, c’était le caractère définitif de la résolution d’Hubert, quelle qu’en fût la cause secrète. Lui répondre non, autant l’envoyer à un usurier peut-être, ou du moins le contraindre à quelque démarche mortifiante pour son amour-propre. Avancer cette somme à son filleul, c’était s’acquérir, au contraire, un droit à suivre de plus près le mystère qui se cachait au fond de son exaltation, comme derrière la mélancolie des deux femmes. Et puis, pour tout dire, le comte aimait Hubert d’une affection bien voisine de la faiblesse. S’il avait été remué profondément par le désespoir morne de Mme Liauran et de Mme Castel, il était maintenant bouleversé par la douloureuse angoisse écrite sur le visage de cet enfant, qu’il traitait dans sa pensée en fils adoptif aussi cher que l’eût été un fils véritable.