Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/51

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femme tienne un salon de conversations plus que libres, et de ce père, cet ancien préfet, qui, devenu veuf, a élevé sa fille pêle-mêle avec ses maîtresses. Je l’avoue, maman, si c’est un égoïsme de l’amour maternel, j’ai eu cet égoïsme : j’ai souffert d’avance à l’idée qu’Hubert se marierait, qu’il continuerait sa vie en dehors de la mienne. Mais je me donnais si tort de sentir ainsi, — au lieu que, maintenant, on me l’a pris pour le flétrir !… »

Pendant quelques minutes encore, elle prolongea cette violente lamentation, dans laquelle se révélait l’espèce de frénésie passionnée qui avait fait se concentrer autour de son fils toutes les énergies de son cœur. Ce n’était pas seulement la mère qui souffrait en elle, c’était la catholique fervente, pour qui les fautes humaines étaient des crimes abominables ; c’était la veuve isolée et triste, à qui la rivalité avec une femme, élégante, riche et jeune, infligeait une secrète humiliation ; enfin, tout son cœur saignait à toutes ses places. Le spectacle de cette souffrance poignait si cruellement Mme Castel, et ses yeux exprimèrent une si douloureuse pitié, que Marie-Alice Liauran s’interrompit pourtant de sa plainte. Elle se releva sur sa chaise longue, mit un baiser sur ces pauvres yeux, — si pareils aux siens, — et elle dit : « Pardonnez-moi,