Aussi Marko, qui les a vus seulement pendant la bagarre de Salco, est-il à cent lieues de soupçonner leur individualité.
Du reste, qui pourrait pressentir, sous cet uniforme des soldats d’élite de l’armée ottomane, les trois paysans qui ont résisté là-bas, l’avant-veille. Enfin, Marko ne saurait songer à Joannès qu’il croit, de bonne foi, noyé au fond du gouffre de la Sitnitza.
« Qui es-tu ? demande-t-il brutalement à ce dernier.
— Padischaï tchok yayal… longues années au Padischah ! répond avec un sang-froid admirable Joannès.
« Je suis un bas-officier des gendarmes de Sa Hautesse !
— Et ceux-là ?
— Deux gendarmes… mes subordonnés !
— Pourquoi m’a-t-on attaqué ?
— J’ignore les secrets des grands chefs.
— Pourquoi te sauvais-tu avec tes deux camarades ?
— Nous ne fuyions pas, puisque nous courions : en tête de l’escadron des zaptiés (gendarmes).
— Cependant, on vous poursuivait et on vous tirait dessus.
« Encore une fois, pourquoi ?
— Je ne sais pas ! peut-être pour opérer une diversion… te faire croire qu’on voulait s’emparer de nous et arriver ; en feignant de nous, donner la chasse, jusqu’à ta demeure.
— C’est possible !
« N’avais-tu reçu aucun ordre me concernant ?
— Je… ne me souviens pas.