Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
la terreur en macédoine

lards soupçonnés de pouvoir tuer par leur haleine.

Enfin, la folie est pour eux l’objet d’un respect, d’une vénération qui s’accompagnent d’une sorte de terreur. Tout ce que font, disent ou veulent les malheureux frappés de démence est pour l’Albanais une chose sacrée.

On voit, par là, combien cet homme, cet Européen est à la fois si simple et si complexe, si près de nous par l’habitat, la similitude de race, et si éloigné par les coutumes et la mentalité.

C’est ainsi que Marko, féroce par atavisme, pillard par habitude, possède une sorte de générosité plus apparente que réelle, une sorte de formalisme étroit, embryon de la véritable grandeur d’âme que l’éducation développerait et que l’occasion ferait surgir.

Il ne veut pas être un lâche. Mais cela lui est bien égal d’être un bourreau qui tue froidement, sans avoir l’excuse de l’ardente lutte, et pourvu que le geste mortel lui semble élégant ou nécessaire.

Il donne l’ordre d’emmener les prisonniers dans un véritable cachot attenant à sa demeure et ajoute :

« Je veux qu’ils soient bien traités… qu’on leur donne à boire et à manger et qu’à la première tentative d’évasion ou de rébellion, on leur brûle la cervelle. »

Les trois malheureux demeurent enfermés dans ce cube de pierre, sans autre distraction que la visite d’un geôlier rébarbatif, armé jusqu’aux dents, et qui leur apporte leur provende grossière, mais abondante.

Écrasés de fatigue, meurtris, sanglants, ils se sont laissé tomber sur les nattes garnissant le fond de l’oubliette et se sont endormis d’un sommeil de plomb.