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la terreur en macédoine

Les montagnards ont presque tous été soldats. Le maniement d’armes leur est familier. Ils manœuvrent avec précision et prennent une position irréprochable.

Joannès, impassible, continue, les regardant bien en face :

« Apprêtez… armes ! »

On entend craquer les culasses mobiles au milieu du silence de mort qui plane sur la foule haletante.

« En vérité, ils sont superbes, murmure Marko ; mais, ils ne sont que plus dangereux ! »

D’une voix qui vibre comme un clairon, Joannès commande :

« En joue !… »

Toutes les crosses viennent s’appliquer pour ainsi dire mécaniquement aux épaules des montagnards. La ligne des canons bronzés se profile rigide et menace les trois poitrines.

Joannès va lancer l’ordre suprême qui déchaînera l’ouragan de projectiles. Il respire fortement, comme pour donner plus de force à sa voix, quand elle va proférer le mot de : Feu !

L’irréparable va s’accomplir… les hommes se crispent en épaulant fortement et en tâtant du doigt la détente.

Un cri retentit et ce n’est pas Joannès qui le jette, c’est une clameur d’épouvante qui vibre dans le grand silence, emplit l’espace et fait frémir l’assistance.

Puis, un nom proféré par une voix déchirante, une voix de cauchemar et qui semble n’avoir plus rien d’humain.

« Joannès !… oh !… Joannès !… »

En même temps, une forme blanche surgit, comme un spectre, du groupe des femmes qui suivent le bey.