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la terreur en macédoine

Pendant que Marko inventorie, avec sa minutie de sauvage haineux et défiant, Joannès, ce dernier fait, comme on dit vulgairement, une singulière figure.

Échappant miraculeusement à la mort au moment précis où il va sentir sa poitrine hachée par les balles… revoyant, à la minute suprême, celle qu’il croyait à jamais perdue… acteur muet de ce drame d’où vont peut-être sortir sa vie et sa liberté, il se trouve étourdi par cette succession vraiment inouïe de faits et d’idées.

Et, tout naturellement, il se laisse entraîner, sans mot dire, imité en cela par ses compagnons dont la stupeur serait d’un haut comique en tout autre moment.

Nikéa continue toujours ses propos de démente, et l’excès même de son audace va les sauver tous.

Marko a beau faire, il ne peut pas suspecter l’identité du sous-officier ni celle de ses hommes. Pas plus d’ailleurs que la folie de Nikéa. Car, dans ce cas, le vrai est le seul qui ne puisse être vraisemblable.

Alors, que résoudre à l’endroit des prisonniers ?

Il faut obéir à la coutume, sans hésiter ni récriminer. Il faut les gracier et les libérer sur l’heure. La folle le veut… la folle parle en maîtresse et veut être écoutée…

Du reste, nul ne songe à discuter cette intervention providentielle. Bien plus, la foule s’excite et s’énerve en voyant le bey ainsi flottant.

De tous côtés on murmure :

« Aman !… aman (pardon) pour eux !… aman et liberté ! »

Nikéa les groupe tous les trois ; elle les presse, les pousse, les fait avancer pas à pas. Elle écarte d’un