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la terreur en macédoine

écarte d’un geste Marko qui cède à contre-cœur, sachant que son clan se révolterait plutôt que de violer la coutume.

Cependant un sourire mauvais contracte sa face busquée au profil d’oiseau de proie. Un travail obscur s’opère dans cette cervelle de demi-sauvage. Il a convoité Nikéa pendant quelques heures. Puis la folie a brusquement séparé ces deux êtres faits si peu l’un pour l’autre. Et c’est ainsi que Nikéa la chrétienne a pu seulement échapper à cette union odieuse avec un musulman.

Marko lui a conservé une sourde rancune. Alors, ne pouvant l’avoir pour épouse, forcé de la laisser agir à sa guise et partir si bon lui semble, il veut par un bizarre sentiment de vengeance lui infliger une irrémédiable déchéance.

« Tu es libre, ainsi que tes compagnons », dit-il à Joannès d’une voix mauvaise.

Et comme Joannès fait un geste et va répondre, Marko lui coupe la parole et ajoute :

« Ne me remercie pas !

« Je ne vous laisse partir que contraint et forcé.

« Je veux seulement t’imposer une condition…

— Non !… non !… pas de condition… liberté… liberté… la folle le veut !… crie la foule.

— Silence quand je parle ! riposte Marko d’une voix tonnante en portant la main à son sabre.

— Et moi, je demande qu’on nous rende nos armes, dit avec fermeté Joannès.

« Il nous faut nos armes, puisque nous sommes libres.

— C’est trop juste ! »

Et quand on leur a restitué carabines, sabres et cartouchières, quand ils sont enfin pourvus de ces