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la terreur en macédoine

— Je suis ruiné !… oui, ruiné…

— C’est entendu ! Mettons cent piastres pour les moutons… Mais… puisque le lucerdal les a massacrés…

— C’est justement pour cela qu’il faut commencer par me les payer.

« Allons !… les cent piastres !…

— Sur mon salut éternel… je suis sans argent.

Marko, qui joue avec son poignard, se précipite d’un bond de tigre sur le vieillard. Avec une rapidité foudroyante il lui saisit l’oreille entre le pouce et l’index, et la tranche d’un seul coup. Le mutilé pousse un hurlement. Le sang ruisselle en nappe. Joannès et Nikéa s’élancent.

Marko jette l’oreille sur la table, l’y cloue d’un coup de poignard et ajoute avec sa bonhomie railleuse et féroce :

— C’est ce que nous appelons prêter l’oreille !… Et cette oreille sera, j’en suis sûr, attentive et docile.

— Grâce pour mon père ! implore en sanglotant Nikéa ; pitié pour lui, seigneur Marko !

— Misérable ! gronde Joannès.

L’Albanais, toujours impassible, pousse un coup de sifflet strident. À ce signal familier, le léopard abandonne sa curée, bondit par la fenêtre, et tombe, en se rasant, devant son maître, avec un grondement de fureur.

Marko continue, riant d’un mauvais rire :

« Hadj préfère même, à la chair du mouton, celle de chrétien… il n’aime ni les grands gestes ni les cris… Dans votre intérêt, je vous invite à rester tranquilles, sinon il pourrait vous arriver malheur, car il a la dent dure et la griffe prompte !