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la terreur en macédoine

tant d’héroïsme par Joannès et les siens. Marko va, vient, se multiplie, regarde et voit tout, en fumant son éternelle cigarette. Digne chef de ces monstres, il prépare sa vengeance, la savoure avec sa férocité de fauve et murmure :

« Je les tiens !… Ils ne m’échapperont pas ! »

Là-haut, sur la terrasse, les patriotes font bonne garde. Courbaturés par ce terrible effort, ils respirent largement, se regardent inquiets et ravis, ne pouvant se croire intacts après la ruée des massacreurs. Quelques paroles entrecoupées s’échangent… quelques mots d’affection et d’espoir.

La jeune fille sauvée par Michel s’éveille comme d’un cauchemar. Les yeux égarés, elle contemple ces bienfaiteurs inconnus, ces jeunes hommes à la face noire de poudre, ce doux visage de femme qui lui sourit.

En même temps elle aperçoit le bébé aux bras de Nikéa qui doucement le berce en fredonnant le terrible Chant de Kossovo. Mélodie sanglante qui endort le petit orphelin et engourdit sa compréhension obscure d’enfant déjà conscient des irrémédiables infortunes.

Et brusquement elle éclate en sanglots ! Toute jeune, dix-huit ans à peine, grande, élancée, avec une opulente chevelure brune, elle bégaye d’une voix entrecoupée :

« Merci !… oh !… du fond de mon pauvre cœur, merci ! Comme vous êtes braves !… comme vous êtes bons !

— Nous avons fait notre devoir », répond gravement Joannès.

Puis il ajoute, en désignant Michel tout confus :