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la terreur en macédoine

— C’est vrai ! dit Soliman ; on ne sait pas ce qui peut arriver.

« Merci ! mon vieux frère, et à charge de revanche. »

Avec sa large conscience de troupier chapardeur, et, qui plus est, de troupier turc, Soliman fourre les sequins dans sa poche, serre les mains rouges de sang et détale au pas gymnastique.

Il arrive à l’église et la trouve ouverte. Il y a partout des cadavres et des flaques de sang. Chose étrange, une veilleuse est restée allumée devant une image de saint Nicolas. L’humble luciole a survécu aux coups de feu qui ont criblé la nef, à la chute des matériaux, à la lutte sans merci, aux mouvements furieux des égorgeurs.

L’ancien gendarme y allume deux cierges et avise l’entrée du clocher. Il enfile l’escalier de bois, arrive à la voûte, et cherche quelques matières inflammables.

Le hasard le sert à souhait. Sous les chevrons et au ras de la voûte, des centaines de pierrots, mélangés fraternellement à des colonies de corbeaux, ont bâti leurs nids.

Les uns sont en paille. Les autres en brindilles de bois.

Il en approche un cierge. Tout cela est sec comme de l’étoupe et s’enflamme en un clin d’œil.

Des nids, le feu gagne les chevrons, lèche la voûte et se propage de tous côtés. En dix minutes, l’église est embrasée.

Soliman redescend au galop, prend le chemin de Lopat, trouve la maison désignée par Joannès, frappe trois coups et attend.

La porte s’ouvre sans bruit, démasquant deux hommes.