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la terreur en macédoine

ment espérer que, vers la fin du jour, la provision de glycérine sera suffisante.

Les alambics fonctionnent régulièrement. Les feux sont ardents et la provision de combustible, heureusement très abondante, permet de les entretenir sans crainte de ralentissement. Le cœur serré, les traits contractés, Joannès s’approche lentement.

Comment se comporte le mélange ? Que va-t-il en sortir ?… la victoire sur la matière inerte ?… la liberté ?…

À ce moment solennel où va se décider leur sort, un silence profond plane sur les patriotes. Chacun regarde le chef dont les yeux sont arrêtés avec une fixité poignante sur les tubes de dégagement.

Tout à coup, un sourire attendri éclôt sur ses lèvres, ses traits se détendent, son regard s’adoucit. Il voit suinter, à l’extrémité des canons de fusil, une goutte de liquide incolore !

Cette goutte retombe dans le récipient placé au-dessous. Une seconde la suit, puis une troisième et un mince filet, oh ! presque imperceptible, s’écoule.

Des vapeurs blanchâtres s’élèvent, émises par ce liquide en raison de son avidité pour l’oxygène, et Joannès, ému jusqu’aux larmes, bégaye :

« Je crois que nous avons réussi. »

Nikéa, qui jusqu’alors s’est tenue à l’écart, au milieu des travailleurs dont elle a partagé virilement le rude labeur, Nikéa resplendissante de joie et d’orgueil s’approche de lui.

Elle prend les mains de son mari et doucement murmure, avec son radieux sourire :

« Merci !… oh !… merci pour eux… et pour moi… »

Il répond, à demi-voix, conservant encore un doute :