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la terreur en macédoine

« Plus rien à se mettre sous la dent ! répond désolé Panitza, chargé du service d’approvisionnement.

— Mais les femmes !… l’enfant ?… s’écrie en frémissant Joannès.

— J’ai conservé quelques poignées de farine », ajoute Panitza.

Puis, avec, une sorte d’ingénuité sublime, Joannès ajoute :

« Je vous demande pardon, mes amis d’avoir oublié que vous avez les mêmes besoins que moi… et que vous endurez les mêmes souffrances.

— Tais-toi ! ne parle pas de nos souffrances… nous en verrons bien d’autres, et nous sommes prêts à tout !

« Mais il faut conserver tes forces… pour nous autant que pour toi… on trouvera bien quelque vieux fond de boîte… quelque bribe à te mettre sous la dent….

— Je ne veux rien !… Silence !… pas un mot de plus… ce serait une insulte !

« Il me faut au moins vingt-quatre heures… Donc, vivons de faim jusqu’à demain soir. »

Et il ajoute, en aparté, songeant à Marko :

« Pourvu que ce brigand me laisse le temps ! »

Ses craintes ne sont, hélas ! que trop justifiées. Voulant gagner les bonnes grâces de leur terrible pacha, les soldats turcs sont en train de réaliser, eux, aussi, l’impossible.

Marko leur avait accordé huit jours pour amener à cette hauteur, et par des chemins vertigineux, les matériaux d’un pont. En moitié moins de temps ils ont réussi ! Dans quelques heures les poutres et les madriers traînés, hissés, portés, soulevés sur des reins, des têtes ou des échines, vont arriver !