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la terreur en macédoine

marche péniblement un homme d’âge indécis, plutôt vieux, vêtu de loques sordides, les mains hideusement sales, la barbe grise, longue, emmêlée, la figure noire de crasse, avec un ignoble vieux bonnet de fourrure enfoncé jusqu’aux oreilles.

Un mendiant hideux, répugnant, vermineux et malodorant. En arrière et vers le milieu du convoi s’avance un jeune garçon de belle mine, mais presque aussi crasseux et aussi mal accoutré que le vieux. Il porte, comme les voituriers, un fouet pendu sur son cou et s’occupe activement de la conduite des bêtes.

Ni l’un ni l’autre ne prononcent un mot, et tous deux semblent faire un couple réussi de parfaits abrutis. Familier aux gens comme aux bêtes, le chemin est vite franchi. Le vieux et l’ânesse arrivent à une sorte de poterne défendue par de fortes palissades.

Un cri vibrant retentit : .

« Halte-là !… Qui vive ?… »

Deux factionnaires turcs, des géants albanais, croisent la baïonnette sur la poitrine du bonhomme qui ne semble pas autrement s’émouvoir. Le convoi s’arrête comme un seul… âne, et l’un des deux factionnaires, ne recevant pas de réponse, ajoute :

— Tiens, c’est cette vieille brute de Timoche… avec Andréino, plus jeune, mais aussi brute que lui…

« Appelle le capitaine. »

Depuis l’hiver on a, du côté turc, fortifié le défilé gardé par une compagnie d’infanterie. On a élevé deux redoutes, qui prennent d’enfilade, en avant et en arrière, la route. À un kilomètre de là se dresse, imprenable, un fortin défendu par une seconde compagnie d’infanterie et six canons de montagne.