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Le léopard, qui somnole, repu, les yeux mi-clos, au milieu de la bagarre, entend son nom, proféré comme un sifflement guttural de serpent en fureur. Il s’étire, s’approche et pose sa tête énorme sur les genoux de son maître. Marko lui gratte la nuque, en signe de caresse, et doucement lui passe au col cette singulière cravate. Puis, de sa voix éclatante, il lui crie ce mot :

« Mathisévo !… Mathisévo !… tu entends bien : Mathisévo ! »

Comme s’il comprenait la signification de ces quatre syllabes articulées et scandées par son maître, le léopard rugit, agite sa queue et piétine sur place. Marko lui indique du doigt la fenêtre et répète une dernière fois : « Mathisévo !… »

Puis il pousse un coup de sifflet strident suivi d’un clapement de langue. Le lucerdal se ramasse sur ses jarrets, puis d’un seul bond s’élance jusqu’au milieu de la cour. D’un second élan il franchit l’amas navrant formé par les cadavres de chevaux…

Un coup de carabine retentit, accompagné d’un grognement. C’est Joannès qui a fait feu. Le léopard bondit une troisième fois et disparaît.

Alors, Marko sourit avec son ironie cruelle, darde autour de lui le regard terrible de ses yeux gris et dit lentement :

« Ce rustre l’a manqué !

« Dans douze ou quinze heures, ils seront ici !… et alors, j’aurai ma revanche…

« Une revanche que je veux atroce ! »