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la terreur en macédoine

d’un mouvement uniforme, lancent dans l’abîme les cadavres palpitants.

Eux aussi comptent ces morts, s’impatientant de la lenteur avec laquelle les têtes apparaissent, craignant à chaque instant un cri, un gémissement qui compromettrait l’œuvre de vengeance et de sécurité.

… Dix-sept !… une demi-minute s’écoule… dix-huit ! un temps d’arrêt… un éclair du poignard… dix-neuf ! encore une face moustachue sous le tarbouch rouge… encore un coup de pointe tout sec à la nuque… un spasme, et puis la tragique dégringolade au fond du précipice. Vingt !…

« À mon tour ! dit la voix de métal.

« Doucement !… Hadj… voyons… doucement, mon garçon, tu passeras après moi… Ah ! tu sens la chair fraîche… patience !… je te réserve pour ton dîner cette belle Nikéa… »

La tête de Marko s’engage dans l’ouverture. Ses épaules emplissent la cavité d’où elles ont peine à sortir. Il tire, pousse, ricane et dit :

« Est-ce que j’engraisserais ? »

Ce dernier mot s’étrangle dans un râle. Joannès a remplacé par un nœud coulant son poignard qu’il tient entre ses dents. Le cœur battant, il a passé, avec une adresse inouïe, le nœud coulant au cou du Brigand !

Il serre de toute sa force, en conscience, pendant que ses deux aides, empoignant le misérable chacun par un bras, extraient sans plus de façons, du souterrain, Marko-Pacha !

Rugissant, suffoqué, terrifié aussi en se sentant