Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/46

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lui enfonce cruellement ses crocs dans l’épaule. Tenaillé par les terribles mâchoires, sentant une douleur atroce, Joannès desserre son étreinte et tombe en poussant un cri de fureur et de désespoir :

« Lâche !… lâche !…

Le lucerdal va s’acharner sur cette proie nouvelle et la mettre en lambeaux. Marko, délivré, aspire une large bouffée d’air, empoigne par la nuque l’animal, l’arrache de force et dit avec un affreux accent de haine :

« Hadj !… assez… assez… je le veux vivant.

« Vous, camarades, ficelez-moi solidement ce compagnon. »

Quatre hommes se jettent sur Joannès. Il se débat avec fureur, secoue la grappe humaine et râle :

« Amis… sauvez-vous !… conservez votre vie… vos forces… pour les luttes futures…

« Nikéa !… chère âme… adieu !… »

La jeune femme, garrottée, incapable de se mouvoir, entend la voix aimée et sanglote :

« Joannès !… mon amour… à toi ma dernière pensée… »

Les paysans valides obéissent à l’ordre suprême de leur chef. Ils se sauvent de tous côtés, s’éparpillent de droite et de gauche, pendant que les blessés, nombreux, hélas ! s’accrochent convulsivement aux bandits.

Une dernière salve tirée à la diable en arrête encore quelques-uns, et les autres disparaissent en criant :

« Vengeance !… vengeance !… »

Les brigands triomphent avec d’autant plus d’arrogance que leurs craintes ont été plus vives.