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la terreur en macédoine


Nikol, tremblant de tous ses membres, l’œil fou, la moustache hérissée, bégaye d’une voix chevrotante :

« Je ne le… vois plus… Il faut… qu’il soit resté… oui… resté dans le trou !… »

Marko, d’un bond, saute à bas de son cheval, puis, saisissant Nikéa, la dépose sur le gazon vert qui tapisse la berge. Il empoigne à la bride la monture de Nikol, arrache de l’eau l’homme et la bête, et gronde :

« Comment !… misérable… tu l’as laissé aller…

— Chef… mon cheval était comme fou… tu l’as vu se cabrer… quitter le gué… tomber dans le trou…

« Tu me connais, chef… il n’y a pas de ma faute.

Marko éclate d’un rire sinistre, tire un revolver de sa ceinture et riposte :

« Coupable ou non… dupe ou complice… imbécile ou criminel… tu vas périr…

« Je veux des hommes sûrs… sachant prévoir… obéir… se dévouer… que ta mort serve d’exemple aux autres ! »

Dans l’entourage, personne ne bronche. Nul n’a le droit de se tromper, d’être maladroit ou malheureux. Chacun le sait et se le tient pour dit, et le chef a tout pouvoir.

« C’est écrit ! dit Nikol fier et résigné.

« Tu es le maître et ma vie t’appartient !… Sache seulement utiliser mes derniers moments ! »

Marko l’ajuste à la tête et répond, près de serrer la détente :

« Que veux-tu dire ?… je ne comprends pas.

— Laissez-moi vivre une minute encore… une seule… pour plonger là… dans l’abîme et chercher le prisonnier.