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la terreur en macédoine

Alors, la voix reprend avec une sorte de rugissement sourd qui se perd dans un sanglot :

« Je ne peux pas !… je ne peux pas !… Oh ! misère… et pourtant il le faut !… je le veux…

« Pour la patrie… pour l’amour et pour la vengeance !… »

Encore un effort !… le dernier, celui qui triomphe de l’obstacle ou brise la machine humaine. Les bras du malheureux se crispent, le col s’allonge, les reins se tendent à en craquer. Il y a comme un temps d’arrêt, puis… ahan ! L’eau bouillonne, clapote plus fort… l’homme sort à demi, s’accote sur la poitrine, donne une violente secousse et roule étalé sur la berge.

Il reste anéanti, respirant à peine, incapable de mouvement, de volonté, de pensée. Une heure s’écoule et, dans le grand silence de la nuit, l’homme revient à lui, se ressaisit. Il contemple les étoiles qui criblent le firmament, frissonne, essaye de se relever et retombe lourdement.

Ses jambes étroitement garrottées, engourdies, lui refusent tout service. Il murmure en claquant des dents :

« J’oubliais mes liens… Dieu ! que j’ai froid… je meurs de faim… de faiblesse… et cette plaie me fait horriblement souffrir…

« J’aurais tort de me plaindre, pourtant… puisque contre tout espoir… toute possibilité, je vis et je suis libre !…

« Cependant, il faut en finir… Oh ! comment rompre ces cordes qui coupent ma chair… me supplicient ?… »

Voulant réagir contre ce froid mortel qui l’envahit,