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la terreur en macédoine

Il s’élance, et un hasard prodigieux le fait tomber à quelques centimètres à peine de Joannès, toujours tapi sous les roseaux.

Là seulement, et pour la première fois, les avantages, oh ! bien minimes, sont du côté de Joannès. Il empoigne au cou le plongeur, lui incruste ses dix doigts dans la gorge, et tous deux, enchevêtrés, se tordent, puis roulent dans le trou.

L’étreinte de Joannès est terrible. En un moment, Nikol, étranglé net, cesse de se débattre et reste au fond, immobile comme une pierre.

Épuisé, défaillant, et les jambes toujours entravées, Joannès, que soutient sa formidable énergie, remonte. Le sang aux yeux, les oreilles sifflantes, la poitrine serrée comme dans un étau, il s’insinue, pour la seconde fois, au milieu de la futaie aquatique. Il chemine doucement, sans heurt, sans à-coups, et arrive à se blottir sous l’excavation de la berge.

Là, il a pied. Sa tête souillée de vase et de limon trouve juste quelques centimètres, entre l’eau et la terre ravinée au moment des crues. Il est à l’abri.

C’est alors que Marko, toujours défiant, commande le feu.

L’ouragan de plomb s’abat sur la rivière, fauche les tiges et fait rejaillir l’eau en flocons d’écume. Et Joannès, en toute sécurité, assiste à cette vaine bravade.

« Autant jeter des noisettes à des buffles, et tirer de la poudre aux moineaux ! » songe-t-il, pelotonné sur lui-même, comme une larve dans son cocon.

N’apercevant et n’entendant rien, Marko, en désespoir de cause, fait cesser le feu et ordonne la retraite. Joannès entend comme dans un rêve la voix de Nikéa