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la terreur en macédoine

néantit dans le sang, les larmes et la mort !… projets, bonheur, avenir, famille et jusqu’au nid qu’avait capitonné notre amour.

« Plus rien que ce néant farouche, avec des ruines irréparables, des haines inextinguibles, des douleurs incurables…

— Oui ! interrompt Michel d’une voix sombre, des atrocités qui ont fait de nous des révoltés…

— Des laboureurs devenus des partisans !

— Des soldats de d’indépendance !

— Des proscrits qui seront des libérateurs ! »

… Ils cheminent toujours, mais de plus en plus lourdement. Cette marche de nuit sur cette voie tortueuse, encaissée, caillouteuse, est fatigante et difficile. Succédant aux labeurs et aux luttes des jours passés, elle finit par les écraser.

Ils conviennent de s’arrêter sur place et de reposer jusqu’au jour. L’un d’eux veillera pendant que les deux autres dormiront à l’abri d’une roche.

Et c’est ainsi que, soldats improvisés, ils achevèrent leur première nuit de guerre. Le soleil apparaît enfin, dorant les cimes. C’est Panitza qui monte la garde. Joannès et Michel s’étirent et s’ébrouent sous la rosée.

Un cri de Panitza les fait sursauter :

« Alerte ! des cavaliers… ne bougez pas. »

Lui-même s’accroupit, les yeux au niveau de la roche que son front dépasse à peine.

« Combien ? demande brièvement Joannès.

— Cinq !

— Des Turcs ?… des Albanais ?…

— Des gendarmes turcs… une patrouille de nuit qui rentre.

— Loin ?…