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la terreur en macédoine

la grosseur d’une futaille, il bondit sur les obstacles, gagne de la vitesse, jaillit, ressaute, passe comme la foudre, broyant les arbustes, fauchant les broussailles…

Il arrive à la corniche, en plein sur le groupe formé par les trois hommes et les trois chevaux.

« Il passera ! » dit Joannès incrusté à la roche.

Ils sentent comme le vent d’un boulet. Le bloc s’abat sur le cheval de Michel. Effrayé, tirant sur sa bride, le pauvre animal est atteint en plein flanc. Il culbute comme un lapin, jaillit dans le précipice, et s’abat en tournoyant sur les arêtes qui le mettent en lambeaux.

« Ouf ! j’en ai eu la petite mort, souffle Michel.

— Ce n’est peut-être qu’un accident, dit Joannès qui n’en croit rien, mais veut rassurer ses amis.

— Ou un avertissement ! » rectifie Panitza.

Mais le brutal passage de ce rocher provoque une véritable avalanche de débris. Dans son sillage se meut une effroyable coulée de blocs déracinés. Cela roule, croule, bondit en trombe, avec un fracas qui se répercute au loin, dans les montagnes, comme des grondements de tonnerre.

Instinctivement les trois hommes s’allongent, à plat ventre, le long de la muraille bordant le chemin. Ils lâchent la bride des chevaux qui s’affolent, renâclent et hennissent d’effroi.

L’avalanche passe et les balaye comme des fétus de paille, au fond de l’abîme. Joannès, Michel et Panitza, étourdis, assommés, se trouvent ensevelis sous de menues pierrailles, mais n’éprouvent aucun dommage sérieux.

« Soyons prudents et faisons les morts », dit avec son prodigieux sang-froid Joannès.