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tence de l’Être nécessaire, dans lequel l’essence renferme l’existence, ou dans lequel il suffit d’être possible pour être actuel (§ 184-189, 335).

45. Ainsi Dieu seul (ou l’Être nécessaire) a ce privilège qu’il faut qu’il existe s’il est possible[1]. Et comme rien ne peut empêcher la possibilité de ce qui n’enferme aucunes bornes, aucune négation, et par conséquent, aucune contradiction[2], cela seul suffit pour connaître l’existence de Dieu a priori[3]. Nous l’avons prouvée aussi par la réalité des vérités éternelles[4]. Mais nous venons de la prouver aussi a posteriori puisque des êtres contingents existent, lesquels ne sauraient avoir leur raison dernière ou suffisante que dans l’être nécessaire, qui a la raison de son existence en lui-même[5].

46. Cependant il ne faut point s’imaginer avec quelques-uns, que les vérités éternelles, étant dépendantes de Dieu, sont arbitraires et dépendent de sa volonté,

  1. C’est-à-dire si son essence n’implique pas de contradiction interne. De nos jours, M. Vacherot a soutenu que le parfait était un concept contradictoire, et qu’ainsi il pouvait bien être admis comme idéal, mais non comme réalité.
  2. Sont contradictoires, disait Aristote (Cat., VIII, 13 à 37), les propositions qui sont entre elles comme l’affirmation et la négation. Mais en Dieu tout est positif, le concept de Dieu excluant toute négation. Donc nulle contradiction ne saurait trouver place dans sa nature. L’être ne peut exclure l’être. Donc Dieu est possible.
  3. Leibnitz considère l’argument de saint Anselme et de Descartes comme valable, du moment que la possibilité de Dieu, c’est-à-dire la non-contradiction interne de son concept, a été démontrée.
  4. Voy. sup., § 48-44, Platon, dans sa marche régressive, allait de l’Entendement aux Idées, qui, plus immobiles, lui paraissaient plus propres à constituer l’absolu. Saint Augustin, saint Thomas, Bossuet, Monitz vont des idées à l’entendement, qui plus personnel, répond mieux à la conception chrétienne et moderne de l’absolu. Leibnitz, en reprenant cette preuve des docteurs chrétiens, la transforme d’ailleurs, ainsi qu’il fait de tout ce qu’il emprunte.
  5. Voy. sup., § 36-39.