Page:Breton - Un peintre paysan, 1896.djvu/198

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i86 jouer à sa fantaisie ; il anime tout du souffle de la vie. Rien ne lui est fermé, ni la terre, ni le cieL ni l’enfer. Il a conscience de l’immortalité, il entrevoit l’infini; comme le prophète il s’entre- tient avec Dieu.

se plonge dans les plus merveilleuses dé- 

lices; il traverse, en vibrant de plaisir, les plus tragiques horreurs ; qu’il chante ou qu’il pleure, sa joie est la même, c’est le divin frémissement de la création. Toutes les misères de la terre disparaissent à cette hauteur. Mais, hélas! l’organisme humain n’est pas fait pour soutenir longtemps cet état de surexci- tation. Bientôt les forces s’épuisent, les désordres nerveux, les horribles souffrances, les dégoûts profonds rappellent au poète qui s’y livrerait immodérément, qu’il n’est qu’un homme fragile et toujours finalement vaincu dans la lutte à outrance avec l’Idéal. La poésie est divine, mais le poète n’est pas un dieu.