Page:Broglie - Souvenirs, 1830-1832.djvu/66

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ministres, les diplomates qui se pressaient à la conférence de Londres ; il les avait, plus d’une fois, rencontrés, toisés, mesurés soit à Paris, soit dans les autres capitales du continent, à titre, tour à tour, de serviteurs, d’auxiliaires ou d’adversaires du maître commun. Tout déchu qu’il se trouvât, en France, depuis quinze ans, nul d’entre eux n’avait plus grand air et ne comptait davantage, nul n’était tenu pour plus exempt de scrupules, plus dégagé de préjugés, plus au-dessus des affaires quand il s’en mêlait. Il avait la réputation d’un homme d’État consommé et la méritait, en ce sens qu’il était doué de ce coup d’œil prompt et sûr qui discerne, dans les circonstances les plus difficiles, la position à prendre, et sait, après l’avoir prise, la laisser opérer, en attendant avec sang-froid les conséquences. C’était ainsi que, arrivé à Vienne, en 1815, sans avoir même la certitude d’être admis au congrès, il en était venu peu à peu, non seulement à y siéger, mais à le diriger, à le diviser d’abord, puis enfin à le dominer. C’était un service de ce genre que nous pouvions attendre de lui ; mais il fallait, pour cela, que ses bons offices fussent réclamés et agréés ; or, choisir pour représentant à Londres le prince de Talleyrand, c’était beaucoup