Page:Broglie - Souvenirs, 1830-1832.djvu/67

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pour des patriotes comme nous, tout frais émoulus de révolution ; c’était beaucoup pour la fatuité populaire de M. Laffitte, pour la rusticité gourmée de M. Dupont (de l’Eure), pour les souliers ferrés de M. Dupin, beaucoup pour la plèbe arrogante et vulgaire qui croyait disposer de nous et n’avait pas tout à fait tort.

Pour l’assister dans ce coup de tête, le roi n’avait guère que M. Guizot, qui portait tout le poids du jour et de l’œuvre, en qualité de ministre de l’intérieur, et moi, pauvre duc bien compromis en cette qualité et suspect à plus d’un titre.

Le plus récalcitrant d’entre nous était M. Molé, mais par des raisons personnelles, et tout autres que celles des autres. M. Molé voyait clairement avec sa sagacité naturelle, et peut-être n’en fallait-il pas tant pour cela, que le foyer des affaires une fois placé à Londres, sous la coupe de M. de Talleyrand, tout se ferait directement entre un si gros bonnet et le roi, sauf à se débattre de notre côté, dans un conciliabule secret entre le roi, Madame Adélaïde, sa sœur, et le général Sébastiani, confident de l’un et de l’autre. Être ministre in partibus ne convenait certainement pas à un homme de la position et de la portée de M. Molé.