Page:Brontë - Jane Eyre, I.djvu/57

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Après le dîner, nous passâmes dans la salle d’étude ; les leçons recommencèrent et se prolongèrent jusqu’à cinq heures. Il n’y eut dans l’après-midi qu’un seul événement de quelque importance. La jeune fille avec laquelle j’avais causé sous la galerie fut renvoyée d’une leçon d’histoire par Mlle Scatcherd, sans que je pusse en savoir la cause. On lui ordonna d’aller se placer au milieu de la salle d’étude. Cette punition me sembla bien humiliante, surtout à son âge ; elle semblait avoir de treize à quatorze ans ; je m’attendais à lui voir donner des signes de souffrance et de honte ; mais, à ma grande surprise, elle ne pleura ni ne rougit ; calme et grave, elle resta là, en butte à tous les regards. « Comment peut-elle supporter ceci avec tant de tranquillité et de fermeté ? pensai-je ; si j’étais à sa place, je souhaiterais de voir la terre m’engloutir. »

Mais elle semblait porter sa pensée au delà de son châtiment et de sa triste position. Elle ne paraissait point préoccupée de ce qui l’entourait. J’avais entendu parler de personnes qui rêvaient éveillées ; je me demandais s’il n’en était pas ainsi pour elle : ses yeux étaient fixés sur la terre, mais ils ne la voyaient pas ; son regard semblait plonger dans son propre cœur.

« Elle pense au passé, me dis-je, mais certes le présent n’est rien pour elle. »

Cette jeune fille était une énigme pour moi ; je ne savais si elle était bonne ou mauvaise.

Lorsque cinq heures furent sonnées, on nous servit un nouveau repas, consistant en une tasse de café et un morceau de pain noir ; je bus mon café et je dévorai mon pain ; mais j’en aurais désiré davantage, j’avais encore faim. Vint ensuite une demi-heure de récréation, puis de nouveau l’étude ; enfin, le verre d’eau, le morceau de gâteau d’avoine, la prière, et tout le monde alla se coucher.

C’est ainsi que se passa mon premier jour à Lowood.




CHAPITRE VI


Le jour suivant commença de la même manière que le premier ; on se leva et on s’habilla à la lumière ; mais ce matin-là nous fûmes dispensés de la cérémonie du lavage, car l’eau était