Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/650

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je tombe encore sur une famille pareille, j’ai l’expérience pour guide, et je m’en tirerai mieux une autre fois. Laissez-moi de nouveau essayer.

— Ma fille, vous ne vous découragez pas facilement, je le vois, et j’en suis charmée. Mais permettez-moi de vous dire que vous êtes beaucoup plus pâle et plus frêle que lorsque vous avez quitté la maison la première fois ; et nous ne pouvons souffrir que vous compromettiez ainsi votre santé pour amasser de l’argent, soit pour vous, soit pour d’autres.

— Mary me dit aussi que je suis changée, et je ne m’en étonne guère, car j’étais tout le jour dans un état constant d’agitation et d’anxiété ; mais, à l’avenir, je suis déterminée à prendre froidement les choses. »

Après quelques nouvelles discussions, ma mère promit encore une fois de m’aider, à la condition que j’attendrais et serais patiente. Je lui laissai donc le soin d’agiter la question avec mon père, de la façon qu’elle croirait la plus convenable, me reposant sur elle pour obtenir son consentement. De mon côté, je parcourus avec soin les annonces des journaux, et écrivis à toutes les personnes qui demandaient des gouvernantes. Toutes mes lettres, aussi bien que les réponses lorsque j’en recevais, étaient montrées à ma mère, qui, à mon grand chagrin, rejetait toutes les places les unes après les autres : ceux-ci étaient des gens de la basse classe ; ceux-là étaient trop exigeants dans leurs demandes et trop parcimonieux dans la rémunération.

« Vos talents sont de ceux que possède toute fille d’un pauvre membre du clergé, me disait-elle, et vous ne devez pas les dépenser en vain. Souvenez-vous que vous m’avez promis d’être patiente : rien ne presse ; vous avez du temps devant vous, et vous avez encore beaucoup de chances. »

À la fin, elle me conseilla de faire insérer moi-même dans le journal un avis énumérant mes talents, etc.

« La musique, le chant, le dessin, le français, le latin, l’allemand, ne sont pas choses à dédaigner, me disait-elle ; beaucoup de personnes seront enchantées de trouver tant de talents réunis chez une seule institutrice, et cette fois vous pourrez peut-être tenter votre fortune dans une famille d’un rang plus élevé, dans celle de quelque gentleman noble et bien élevé, où vous aurez plus de chances d’être traitée avec respect et considération que chez des commerçants enrichis ou d’arro-