Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/743

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fin il parut à la porte, et je partis ; mais quel triste voyage je fis, et qu’il fut différent de mes autres retours à la maison paternelle ! Arrivant trop tard pour la diligence à…, je fus obligée de louer un cabriolet pendant dix milles, puis un chariot pour me transporter dans les montagnes. Il était dix heures et demie quand j’arrivai à la maison. On n’était pas couché.

Ma mère et ma sœur vinrent toutes deux à ma rencontre dans le passage, tristes, silencieuses et pâles ! Je fus tellement émue et frappée de terreur que je ne pus ouvrir la bouche pour demander la nouvelle tant désirée et que maintenant je redoutais d’apprendre.

« Agnès ! dit ma mère, s’efforçant de comprimer une violente émotion.

— Oh ! Agnès, s’écria Mary, et elle fondit en larmes.

— Comment va-t-il ? demandai-je avec angoisse.

— Mort. »

C’était la réponse que j’attendais : mais le coup n’en fut pas moins terrible.




CHAPITRE XIX.

La lettre.


Les restes mortels de mon père venaient d’être confiés à la tombe, et nous, avec de tristes visages et de noirs vêtements, nous restions assises à la table après le frugal déjeuner, faisant des plans pour notre vie future. L’âme ferme de ma mère avait résisté à cette affliction ; son esprit, quoique abattu, n’était point brisé. L’opinion de Mary était que moi je devais retourner à Horton-Lodge, et notre mère aller demeurer avec elle et M. Richardson au presbytère ; elle assurait que son mari le désirait autant qu’elle et qu’un tel arrangement ne pouvait qu’être agréable à tous, car la société et l’expérience de ma mère leur seraient d’un prix inestimable, et ils feraient de leur côté tout ce qu’ils pourraient pour la rendre heureuse. Mais tous les arguments, toutes les prières furent inutiles ; ma mère était déterminée à n’y point aller. Non qu’elle mît un instant en question les vœux