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À PROPOS DES « BÉATITUDES »

monies et de ses développements, il créa un art d’une intensité d’expression si personnelle, d’une unité de forme si merveilleuse.

Pour créer cet art, à l’exemple des grands novateurs et contrairement à Pidée que l’on se fait d’eux généralement, Franck n’eut besoin de rien démolir, de rien bouleverser, de rien changer à l’ordre naturel des choses. Il édifia sa cathédrale sonore sur les solides et gigantesques assises du passé ; il fut le continuateur de Bach et de Beethoven, comme Bach et Beethoven furent eux-mêmes des continuateurs. Il professait, d’ailleurs, un respect sans bornes pour les ancêtres de la musique, car il savait bien qu’il descendait d’eux directement et qu’il avait hérité de leur génie.

Les seules armes dont Franck se servit dans la lutte qu’il soutint jusqu’à son dernier soupir étaient un immense et douxétonnement. N’écoutant que la voix de son rêve, il n’entendit à aucune minute de sa vie les coups de sifflet et les injures qu’on lui prodigua ; mais, en revanche, quel sourire heureux lui venait, quelle joie il éprouvait du moindre applaudissement, d’une approbation quelconque ! Tranquille, sûr de l’avenir, il se remettait à sa table ou à son orgue et, joyeux, il chantait, ce musicien obscur et antimélodique, les mélodies les plus belles,