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À PROPOS DES « BÉATITUDES »

inspirations écloses en son cœur naïf et fort. Le pli austère de sa lèvre s’accentuait alors, et tandis qu’une flamme s’allumait en ses bons et clairs yeux, d’un grand geste familier, il tirait les jeux du mystique instrument, faisant tonner les foudres saintes ou chanter les angéliques pardons.

Cependant, c’est dans la musique de chambre qu’il devait s’essayer d’abord et, à la vérité, rien dans ses premiers trios ne fait deviner les magnificences du quintette et du quatuor futurs. Au contraire, Ruth, exécutée vers 1846, contient en germe tout l’art de Franck. Si la primitivité y est plus apparente que la modernité, au moins une fusion intime de ces deux éléments se fait-elle déjà pressentir à certaines harmonies frappantes de nouveauté. Comme dans Rébecca, où se réalisent pleinement ces indications, l’orchestre nous promène en un Orient biblique d’une poésie délicieuse, d’une mélancolie pénétrante et irrésistible, tandis que les personnages saints, hiératiquement, murmurent de mystérieuses et tranquilles mélodies.

Au milieu d’un paysage idéal chantent aussi les voix de sa radieuse messe, d’une expression si profonde en sa simplicité naïve. D’ailleurs, à chaque composition s’affirmera davantage ce sentiment de mysticité. Éclatant en victorieuses