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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

connaître l’auteur de Phryné et d’entrer ainsi de temps en temps dans l’intimité de sa conversation, n’ignorent point quels trésors d’allégresses très folles et très mystificatrices se cachent sous sa gravité un peu railleuse et déconcertante. Quoi de plus naturel pour nous qui le voyons rire souvent dans la vie que de le voir rire une fois par hasard dans une de ses manifestations artistiques ? Mais aussi, quoi de moins accessible à un public nullement préparé que la gaieté très spéciale de M. Camille Saint-Saëns ?

Cette gaieté, musicalement exprimée, n’a rien de la gaieté d’un Chabrier ou d’un Offenbach. Tandis que l’un fait tonner l’orchestre et hurler les voix en des exubérances qui ébranlent les murs des salles, tandis que l’autre chatouille plus discrètement nos nerfs et secoue plus doucement nos esprits en la facilité rythmique des chants qu’on fredonne, M. Saint-Saëns conserve au milieu de ses expansions joyeuses une dignité froide de pince-sans-rire que je trouve fort amusante et raffinée, mais dont l’effet sur les spectateurs en question restait pour moi douteux.

Combien mes craintes étaient vaines et quel admirable public que celui qui a si intelligemment jugé, applaudi comme il le fallait et compris