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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

littéraires, et la fusion des deux éléments constitutifs de l’ancien opéra s’accomplit par la force même des choses. Quelle est l’utilité du vers dans une œuvre lyrique de libre envolée, où la voix, dédaignant les morceaux poncifs de carrure convenue, les couplets à répétitions et autres engins de portée antithéâtrale, chante, en de belles mélodies éloquentes et réellement dramatiques, les grandes amours, les grandes joies, les grandes douleurs humaines ?

Nos plus illustres musiciens, ceux que nous devons croire les plus respectueux de la poésie, ont répondu à cette question bien avant qu’on ait songé à la leur poser. Nous en trouvons la preuve dans leurs partitions, où les vers authentiques des livrets deviennent parfois des phrases de prose non moins authentique. Dans sa préface, Gallet constate plaisamment ce travail de déformation des rythmes, d’expropriation des rimes auquel on a coutume de se livrer d’une façon courante, et il en cite quelques célèbres exemples.

On comprend donc que M. Massenet, en son désir inquiet d’aller de l’avant et de se conserver ainsi une place de combat dans la poussée vaillante de ce temps, en son ardeur à transformer l’extériorité de ses personnages familiers par la séduction de nouvelles parures poétiques,