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même temps, ces mémoires sont de petites épopées empreintes d’un caractère de crédulité naïve ; elles ont pour descendants les grands poèmes épiques chrétiens, Dante, Milton et Klopstock.

Si vous cherchez la cause de la faveur démesurée dont ces légendes ont été l’objet durant quatorze siècles, si vous demandez le motif de leur multiplicité, interrogez ce besoin de merveilleux dont l’homme a constamment subi l’influence[1], qui s’est à chaque époque manifesté dans l’Orient avec une vivacité toute particulière, et dont la société nouvelle ne pouvait se défendre malgré la sévérité, malgré la gravité de ses croyances immuables. Ces gentils encore imbus des fables de la mythologie, ces juifs convertis, mais la tête pleine des merveilles qu’enfantait l’imagination des rabbins, ces néophytes d’hier, épars à Jérusalem, à Alexandrie, à Éphèse, ne pouvaient si vite vaincre leur penchant pour les fictions. Ce fut toujours le propre des peuples d’Orient d’entremêler le conte, la parabole aux matières les plus graves. Aussi, dans les légendes que nous allons reproduire, retrouve-t-on

  1. C’est une chose remarquable de voir le même esprit sous l’influence duquel ont été composés les récits que nous recueillons aujourd’hui, se reproduire à dix-sept siècles de distance, dans l’histoire de la douloureuse passion de Jésus-Christ, par la sœur Catherine Emmerich. L’œuvre de cette extatique allemande, devenue célèbre, a occasionné une vive sensation chez les populations catholiques d’au-delà du Rhin. M. de Cazalès n’a pas jugé ces écrits indignes de l’attention des lecteurs français ; et il en a donné une traduction aussi fidèle qu’élégante. L’analogie dont nous venons de parler nous a paru susceptible d’être signalée aux hommes sérieux.